LES CANTIQUES DU CORBEAU

Écrits et mis en scène par Bartabas
Une lecture à trois voix par Anne-Marie Philipe, Charles Berling, Jean-Luc Debattice

Il m’aura fallu une vie à côtoyer les chevaux pour comprendre que cet autre est un peu de moi-même. Les bêtes ont perdu leurs mots pour raconter leurs histoires, et l’animal que je suis, s’il possède le langage, ignore son premier récit, celui de la genèse. L’esprit humain a-t-il voulu à jamais oublier la honte de n’avoir été qu’une proie sans défense ? La nuit, l’animal me regarde et je lis dans ses yeux de nobles histoires, des chants qui m’invitent au voyage.

À travers les vingt-deux chants qui composent ces Cantiques du corbeau, publiés dans un recueil aux éditions Gallimard, Bartabas offre un récit fantasmatique des origines de l’humanité. Le créateur du Théâtre équestre Zingaro constitue de fragiles sculptures de mots pour dire quelque chose du vivant et retenir, un instant, le temps qui passe. Dans une préhistoire rêvée, où hommes et bêtes ne font qu’un et sont tour à tour proies et prédateurs, on voit l’homme acquérir les facultés qui le conduiront à asservir la terre et le règne animal. Une méditation poétique sur la place de l’homme parmi les vivants.

Sous les étoiles de l’Odéon, ce sera une lecture à trois voix par Anne-Marie Philipe, Charles Berling et Jean-Luc Debattice, mise en scène par Bartabas et en musique avec les instrumentistes du groupe de gamelan Pantcha Indra.


Durée 1h15

EXTRAIT

“Le soir au coucher, mon grand-père contait à l’enfant que j’étais des histoires écrites à la place des bêtes. Des contes terrifiants qu’il lisait d’une voix sourde, enjouée, ou menaçante. Je croyais alors que les « animots » étaient des êtres doués de parole.
J’étais envoûté par ses sourcils qui dansaient comme des corbeaux sur son front. Plus il parlait fort, plus les corbeaux se soulevaient et se dressaient ; surprenantes sérénades aux accents pointus. S’il riait méchamment, les oiseaux noirs s’envolaient haut, s’il plissait les yeux en baissant la voix, ils ouvraient leurs ailes et planaient en fredonnant. À la fin, quand il claquait le livre comme on ferme un chant ouvert et qu’il approchait son visage pour quémander un baiser, je tentais d’attraper un des deux oiseaux sombres. Il me filait toujours entre les doigts.”
Les Cantiques du corbeau, publié aux éditions Gallimard (2022)